Journée d’études de la Société d’Histoire des Savoirs sur le Psychisme
Avec le soutien de la Société Française d’Histoire des Sciences de l’Homme.
L’animal tient une place ambiguë dans l’histoire des sciences du psychisme – (l’expression « sciences du psychisme » est ici entendue au sens large : la triade psychiatrie, psychologie, psychanalyse, mais aussi tous les savoirs qui ont prétendu faire science sur le psychisme, les limites disciplinaires n’étant pas toujours pertinentes en ce domaine). L’animal est souvent ce qui permet de penser le propre du psychisme humain. À l’animalité supposée de l’animal, répond l’humanité de l’homme, une construction en négatif qui permet aux sciences « humaines », et à la psychologie en particulier, de se définir et de restreindre leur objet aux productions inscrites dans le cadre de la culture et du langage. A priori l’animal se voit donc chassé de savoirs qui se veulent centrés sur l’étude voire le soin de l’esprit humain et renvoyé vers les sciences naturelles, la zoologie, l’éthologie.
Pourtant, quoi qu’elles aient pu dire, les sciences du psychisme n’ont en réalité jamais exclu l’animal de leur champ de recherche. D’abord parce que la question de l’existence d’un psychisme animal, certes distinct de celui de l’homme mais néanmoins présent, n’a jamais été complètement évacuée, ce qui ouvrait, dès lors, la possibilité d’une « psychologie animale ». Une psychologie animale dont la place a pu être d’autant plus grande qu’à la question : « le fou, l’enfant, le primitif ont-ils plus d’esprit que le singe ? », les psychologues n’ont pas toujours répondu oui. Interroger les capacités psychiques des animaux, chercher à évaluer leur intelligence, leurs capacités émotionnelles, affectives, ou autres, ou bien encore comparer les opérations réalisées par les grands singes et les enfants humains en bas âge etc., a ainsi pu être vu comme un moyen de parvenir à situer les limites du psychisme humain. Puis il faut aussi ajouter, plus prosaïquement, qu’il est possible de faire des expériences sur les animaux qu’on ne saurait tenter sur les hommes, ce qui explique également pourquoi l’animal n’a jamais quitté les laboratoires.
Mais à côté du cobaye ou de l’animal-miroir de l’humain, les savoirs « psy » ont encore produit d’autres figures originales de l’animalité. On peut penser à l’animal-fou, contaminé par la maladie de son maître, animal-patient donc, ou, au contraire, à l’animal-médecin, qu’il soit cheval, dauphin ou autre, dont les mérites ont pu être vantés par divers spécialistes des maux de l’âme. Inversement, du délire de lycanthropie, à la « folie des antivivisectionnistes », en passant par la zoophilie, les disciplines « psy » ont aussi admis que la fréquentation des bêtes, si elle n’était pas à l’origine des troubles psychiques, pouvait néanmoins contribuer à fixer certaines formes de délires.
Pour finir, on évoquera encore l’animal-source d’inspiration, divers spécialistes ayant insisté sur la capacité qu’auraient les animaux à stimuler les processus de pensée. On évoquera, par exemple, le fameux chien de Marie Bonaparte, qui parvint à convaincre Sigmund Freud de l’intérêt d’une présence canine à ses côtés. Comme on le voit, à travers l’ambivalence et la fluctuation des positions des savoirs « psy » sur l’animalité, son inclusion, son exclusion hors des frontières disciplinaires, c’est finalement la question même de l’identité des sciences du psychisme qui est ici posée. Nous proposons donc, dans le cadre de cette journée d’études, de réfléchir à la façon dont les diverses sciences « psy » se sont intéressées à l’animal et de voir ce que ceci révèle de leur histoire, en France et ailleurs.
PROGRAMME – 27 MARS 2010
Lieu : Ecole Normale Supérieure rue d’Ulm (Paris), salle Pasteur
9h Accueil des participants et présentation de la SHSP
Présidente de session : Jacqueline Carroy (Centre Alexandre Koyré – EHESS)
9h30‐10h30 Instincts animaux, intelligence humaine ? Psychologie(s) animale(s) etf rontières disciplinaires
• 9h30‐10h10 Elisabeth Chapuis (Université Paris XIII)
« Edouard Claparède et Pierre Hachet‐Souplet : histoire d’un malentendu »
• 10h10‐10h50 Marion Thomas (Université Louis Pasteur Strasbourg I)
« Les femmes sont‐elles dévouées naturellement : les études sur l'instinct maternel en France sous la Troisième République »
10h50 Pause
11h05‐12h25 Chiens, chats, poules et cochons… L’animalité du quotidien sous le regard des psychiatres
• 11h05‐11h45 Aude Fauvel (Institut Max Planck – Berlin)
« La République des chats. Animaux fous et fous des animaux au XIXe siècle »
• 11h45‐12h25 Damien Baldin (EHESS)
« Entre amour et violence : le bestiaire domestique de la société française, XIXe‐XXe siècles »
12h25‐14h15 Pause déjeuner
Présidente de session : Régine Plas (Université Paris Descartes)
14h15‐15h35 L’animal, comme objet et enjeu dans le champ thérapeutique
• 14h15‐14h55 Jérôme Michalon (Université Jean Monnet St Etienne – MODY/CNRS)
« Construction et enjeux de la recherche sur les interactions humains/animaux à but thérapeutique »
• 14h55‐15h35 Mona Boutaleb (Université de Provence d’Aix‐Marseille)
« Le cheval peut‐il constituer une forme de suppléance dans le champ des troubles touchant à l’image du corps chez l’être parlant ? »
15h35‐16h55 Attachements : animaux, psychanalyse et psychanalystes
• 15h35‐16h15 Rémy Amouroux (Hôpital d'enfants A. Trousseau/EHESS)
« Les sociabilités canines d'une princesse psychanalyste. Topsy, un Chow‐Chow entre littérature, science et freudisme »
• 16h15‐16h55 Wolf Feuerhahn (CNRS/Centre Alexandre Koyré)
« Quand l’éthologie revisite la psychanalyse. La question de l’attachement »
Contacts :
Aude Fauvel afauvel@mpiwg‐berlin.mpg.de – Rémy Amouroux amouroux.remy@gmail.com
Avec le soutien de la Société Française d’Histoire des Sciences de l’Homme.
L’animal tient une place ambiguë dans l’histoire des sciences du psychisme – (l’expression « sciences du psychisme » est ici entendue au sens large : la triade psychiatrie, psychologie, psychanalyse, mais aussi tous les savoirs qui ont prétendu faire science sur le psychisme, les limites disciplinaires n’étant pas toujours pertinentes en ce domaine). L’animal est souvent ce qui permet de penser le propre du psychisme humain. À l’animalité supposée de l’animal, répond l’humanité de l’homme, une construction en négatif qui permet aux sciences « humaines », et à la psychologie en particulier, de se définir et de restreindre leur objet aux productions inscrites dans le cadre de la culture et du langage. A priori l’animal se voit donc chassé de savoirs qui se veulent centrés sur l’étude voire le soin de l’esprit humain et renvoyé vers les sciences naturelles, la zoologie, l’éthologie.
Pourtant, quoi qu’elles aient pu dire, les sciences du psychisme n’ont en réalité jamais exclu l’animal de leur champ de recherche. D’abord parce que la question de l’existence d’un psychisme animal, certes distinct de celui de l’homme mais néanmoins présent, n’a jamais été complètement évacuée, ce qui ouvrait, dès lors, la possibilité d’une « psychologie animale ». Une psychologie animale dont la place a pu être d’autant plus grande qu’à la question : « le fou, l’enfant, le primitif ont-ils plus d’esprit que le singe ? », les psychologues n’ont pas toujours répondu oui. Interroger les capacités psychiques des animaux, chercher à évaluer leur intelligence, leurs capacités émotionnelles, affectives, ou autres, ou bien encore comparer les opérations réalisées par les grands singes et les enfants humains en bas âge etc., a ainsi pu être vu comme un moyen de parvenir à situer les limites du psychisme humain. Puis il faut aussi ajouter, plus prosaïquement, qu’il est possible de faire des expériences sur les animaux qu’on ne saurait tenter sur les hommes, ce qui explique également pourquoi l’animal n’a jamais quitté les laboratoires.
Mais à côté du cobaye ou de l’animal-miroir de l’humain, les savoirs « psy » ont encore produit d’autres figures originales de l’animalité. On peut penser à l’animal-fou, contaminé par la maladie de son maître, animal-patient donc, ou, au contraire, à l’animal-médecin, qu’il soit cheval, dauphin ou autre, dont les mérites ont pu être vantés par divers spécialistes des maux de l’âme. Inversement, du délire de lycanthropie, à la « folie des antivivisectionnistes », en passant par la zoophilie, les disciplines « psy » ont aussi admis que la fréquentation des bêtes, si elle n’était pas à l’origine des troubles psychiques, pouvait néanmoins contribuer à fixer certaines formes de délires.
Pour finir, on évoquera encore l’animal-source d’inspiration, divers spécialistes ayant insisté sur la capacité qu’auraient les animaux à stimuler les processus de pensée. On évoquera, par exemple, le fameux chien de Marie Bonaparte, qui parvint à convaincre Sigmund Freud de l’intérêt d’une présence canine à ses côtés. Comme on le voit, à travers l’ambivalence et la fluctuation des positions des savoirs « psy » sur l’animalité, son inclusion, son exclusion hors des frontières disciplinaires, c’est finalement la question même de l’identité des sciences du psychisme qui est ici posée. Nous proposons donc, dans le cadre de cette journée d’études, de réfléchir à la façon dont les diverses sciences « psy » se sont intéressées à l’animal et de voir ce que ceci révèle de leur histoire, en France et ailleurs.
PROGRAMME – 27 MARS 2010
Lieu : Ecole Normale Supérieure rue d’Ulm (Paris), salle Pasteur
9h Accueil des participants et présentation de la SHSP
Présidente de session : Jacqueline Carroy (Centre Alexandre Koyré – EHESS)
9h30‐10h30 Instincts animaux, intelligence humaine ? Psychologie(s) animale(s) etf rontières disciplinaires
• 9h30‐10h10 Elisabeth Chapuis (Université Paris XIII)
« Edouard Claparède et Pierre Hachet‐Souplet : histoire d’un malentendu »
• 10h10‐10h50 Marion Thomas (Université Louis Pasteur Strasbourg I)
« Les femmes sont‐elles dévouées naturellement : les études sur l'instinct maternel en France sous la Troisième République »
10h50 Pause
11h05‐12h25 Chiens, chats, poules et cochons… L’animalité du quotidien sous le regard des psychiatres
• 11h05‐11h45 Aude Fauvel (Institut Max Planck – Berlin)
« La République des chats. Animaux fous et fous des animaux au XIXe siècle »
• 11h45‐12h25 Damien Baldin (EHESS)
« Entre amour et violence : le bestiaire domestique de la société française, XIXe‐XXe siècles »
12h25‐14h15 Pause déjeuner
Présidente de session : Régine Plas (Université Paris Descartes)
14h15‐15h35 L’animal, comme objet et enjeu dans le champ thérapeutique
• 14h15‐14h55 Jérôme Michalon (Université Jean Monnet St Etienne – MODY/CNRS)
« Construction et enjeux de la recherche sur les interactions humains/animaux à but thérapeutique »
• 14h55‐15h35 Mona Boutaleb (Université de Provence d’Aix‐Marseille)
« Le cheval peut‐il constituer une forme de suppléance dans le champ des troubles touchant à l’image du corps chez l’être parlant ? »
15h35‐16h55 Attachements : animaux, psychanalyse et psychanalystes
• 15h35‐16h15 Rémy Amouroux (Hôpital d'enfants A. Trousseau/EHESS)
« Les sociabilités canines d'une princesse psychanalyste. Topsy, un Chow‐Chow entre littérature, science et freudisme »
• 16h15‐16h55 Wolf Feuerhahn (CNRS/Centre Alexandre Koyré)
« Quand l’éthologie revisite la psychanalyse. La question de l’attachement »
Contacts :
Aude Fauvel afauvel@mpiwg‐berlin.mpg.de – Rémy Amouroux amouroux.remy@gmail.com
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