dimanche 2 novembre 2008

Un enfant presque comme les autres

C’est le titre d’un reportage passé il y a maintenant quelques semaines sur France 2 dans l’émission Envoyé Spécial. Francis Perrin, le célèbre acteur, nous a ouvert la porte de sa vie et de Louis, son fils atteint d’autisme. Durant 35 minutes, ce reportage permet de vivre le quotidien d’une famille confrontée à ce syndrome, au manque de prise en charge en France et les espoirs que constitue la méthode ABA.
La méthode ABA, qu’est ce que c’est ?
La méthode de l’ABA ou de l’analyse appliquée du comportement. Elle a été mise en place aux USA il y a une quarantaine d’année par Lovaas. Cette méthode n’utilise ni médicament ni régime alimentaire particulier, elle se fonde sur le comportement humain où chaque comportement dit « normal » est récompensé. C’est clairement un travail répétitif et intensif, 8 heures par jour, 40 heures par semaine ; il est nécessaire de stimuler en permanence l’enfant autiste, quitte à le faire répéter des dizaines de fois le comportement ou jusqu’à l’obtention du comportement attendu. Si l’attention se détache de ce que l’enfant était en train de faire, l’accompagnateur doit le ramener dans le monde réel, pour qu’il continue. Son attention ainsi entraînée, s’améliore au fil du temps. Dans ce reportage, on voit Louis recommencer plusieurs fois à marcher vers son père, jusqu’à ce que les pas soient bien posés (NB : l’autisme est souvent caractérisé par une marche sur la pointe des pieds). Ainsi, tout le quotidien est source d’entraînement et de stimulation.
La méthode ABA, une méthode efficace ? L’exemple de Louis
Ce reportage, par le biais des images d’archives et du récit des parents, montre les progrès que Louis a réalisés en 3 ans de thérapie. A 2 ans, ses parents le décrivaient comme ayant un comportement d’un enfant de 6 mois : il ne parlait pas, il ne marchait pas. On a dit alors aux parents de « faire le deuil de leur enfant », en le diagnostiquant comme « autiste lourd ». Francis Perrin évoque avec émotion « cette chape de plomb » qui leur est tombée sur la tête. Au moment où Louis débute la méthode ABA, il ne sait toujours pas parler ni soutenir le regard. Ses sens sont altérés ; il ne supporte pas, par exemple, de toucher quelque chose de mou.
Désormais, grâce cette méthode, Louis parle correctement, il est capable de supporter la foule et le bruit ; prendre le métro ou aller voir son papa au théâtre était impensable encore en 2007. Avant, Louis refusait toute nourriture qui n’était pas de la purée, il avait des goûts très restreints. Désormais, il mange de tout, plus que d’autres enfants de son âge se plaisent à dire ses parents.
Dans son école maternelle normale, un éducateur accompagne Louis, le stimule en permanence et utilise la méthode ABA. Pour tout, si Louis « s’en va dans son monde », l’éducateur le « ramène » physiquement, c'est-à-dire qu’il lui tourne le visage vers la tache à réaliser. A chaque fois, Louis est récompensé par un système de jetons. D’autres formes de récompenses existent : de la nourriture (ex : bonbons), des encouragements verbaux (ex : « c’est bien ! »), ou des câlins et des bisous.
La méthode ABA, une méthode décriée
Cette méthode est très souvent décriée comme utilisant « la carotte et le bâton ». Utilisant la récompense ou la punition, elle est aussi considérée comme déshumanisante où le sujet est considéré comme un animal ; on « dresse » l’enfant. On parle même d’ « enfant robot » ou encore de maltraitance. Même si l’environnement est très structuré, même si les bons comportements sont récompensés et les mauvais punis, il faut comprendre que ceci est temporaire puisque l’enfant autiste finira par généraliser ses comportements à toute situation de la vie quotidienne. Tous les parents punissent leur enfant quand celui-ci commet une bêtise ou le félicitent quand il a une bonne note à l’école. La méthode ABA en est tout à fait l’équivalent.
Qu’en est il dans le reste du monde ?
Dans le reportage, il est dit que la France et l’Argentine sont les deux pays actuellement très en retard, notamment par un blocage des mentalités. La France est dite « trop psychanalytique ».
Une grande différence existe avec les USA : l’âge du diagnostic. Alors qu’en France, on se refuse souvent à le poser avant 3 ans ; aux USA, il est courant que cela soit fait à 20 mois, c'est-à-dire avant l’âge de 2 ans. Ceci est considéré comme une perte de temps car plus tôt sont mises en place les thérapies, meilleurs seront les résultats.
Le reportage nous emmène d’ailleurs aux USA dans une famille où grandissent deux enfants autistes. Là, pas d’éducateur, la mère a suivi la formation pour la méthode ABA qu’elle applique quotidiennement avec ses enfants. La méthode a permis que ses deux enfants se comportent comme des enfants normaux ; par exemple, la fillette a cessé totalement de s’automutiler et d’être violente avec autrui.
Et aujourd’hui en France ?
Un chercheur de l’Université de Lille 3, Vinca Rivière, tente de promouvoir cette méthode et forme des étudiants qui deviendront des éducateurs spécialisés utilisant l’ABA. Elle lutte contre ce « sacrifice des enfants au prétexte du retard de la France dans la formation ou le traitement » selon ses mots.
C’est Villeneuve d’Ascq qui fait partie des pionniers dans l’accueil d’enfants autistes à l’heure actuelle. Outre l’école primaire J. Prévert qui accueille les enfants différents, dont Louis, il existe un centre d’accueil pour les enfants autistes : le Centre Albert Camus, tenu par V. Rivière. Francis Perrin en est le parrain. Ce centre a pour vocation de permettre aux enfants de suivre la méthode ABA quant les familles n’ont pas les moyens. Ce centre, géré par l’Association ¨Pas à Pas, fonctionne surtout grâce aux dons. Malgré les 844 demandes, seuls 6 enfants peuvent être pris en charge. La France révèle ici son manque de moyen mis dans les structures d’accueil pour les enfants souffrant d’autisme.
Des chiffres qui font peur
Vinca Rivière cite dans ce reportage quelques chiffres qui permettent de prendre la mesure du retard de la France :
- 25 étudiants sont formés à l’ABA / an
- 8 000 enfants autistes sont diagnostiqués / an en moyenne
- 2 éducateurs ABA sont nécessaires / enfant
Outre l’absence de moyens, c’est le prix du traitement qui limite aussi les familles. En effet, la méthode ABA n’est pas pris en charge par l’état et revient à 3 000€/mois aux familles.
Quel espoir ?
La méthode ABA fait ses preuves et petit à petit, les barrières tombent en France. L’Etat vient d’accorder 1 millions d’euros au Centre Camus, à titre expérimental. Désormais, ce sont 20 enfants qui pourront bénéficier de cette méthode. Le combat est encore long mais c’est la force de chacun d’entre nous qui fera avancer les mentalités.
Je finirai cet article sur les paroles chantées par la maman de Louis à la fin du reportage :
« Ceux que l’on met au monde ne nous appartiennent pas,
A moins de mettre au monde un enfant comme toi,
C’est une belle histoire que celle qui est la notre,
Pourtant, je donnerai ma vie pour que tu sois comme les autres »
Pour aller plus loin :
Le site de l’association « Pas à Pas » qui vous donnera accès à une base d’informations sur la méthode ABA
Le site d’envoyé spécial pour voir ou revoir le reportage
La page perso de Vinca Rivière à l’Université de Lille 3
Le site du Centre ABA à Villeneuve d’Ascq

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