jeudi 7 novembre 2013

Droits des animaux et devoirs des hommes


Sous l'impulsion du think tank pour l'innovation écologique, Ecolo-Ethik co-fondé par la sénatrice Chantal Jouanno et la magistrate Laurence Vichnievsky, plusieurs tables rondes menées par d'éminents experts vont se tenir au Sénat dès ce 5 novembre pour y débattre du bien-être des animaux, de nos devoirs envers eux, de leur statut.
Seront ainsi abordées la reconnaissance de l'animal par la science et la pensée, l'animal dans l'économie, l'enseignement et le droit. Elles seront suivies par un colloque international qui se tiendra au Palais du Luxembourg le 07 février 2014 autour de l'ouvrage "Les animaux aussi ont des droits" à l'origine de cette initiative (voir invitation ci-dessous). Un événement qui sera présidé par Boris Cyrulnik, Mathieu Ricard et Yves Coppens avec la participation d'Elisabeth de Fontenay, Peter Singer, Jane Goodall et bien d'autres personnalités sensibilisées par cette cause.
La portée de ces travaux - auxquels sont associées les entreprises et les principales organisations de protection animale et de protection de la nature- doit en particulier nous conduire à repenser le statut de l'animal via une proposition de loi visant à modifier les dispositions actuelles du Code Civil et du Code Pénal. Comment vivre désormais avec les animaux? Pouvons-nous concilier justice sociale et respect des bêtes? ll est temps que la question animale soit portée sur la place publique et invite au débat.
Long aura été le cheminement. Le mépris de la sensibilité animale issue d'une longue tradition philosophique humaniste associée à une conception cartésienne et scientiste des bêtes a conduit à une exploitation animale de masse insensée. Puis les révolutions de la science, mais aussi le travail des associations de protection animale, nous ont permis d'inverser la tendance et de découvrir que les animaux ne sont pas des machines, que l'intelligence est une question de degré selon les espèces, que les compétences sont propres à chacune et que celles des humains ne peuvent plus servir de mètre étalon. Plus les avancées scientifiques progressent, plus notre sensibilité envers les animaux se développe et plus cette question persiste: si ces derniers ne sont plus des outils, que devient notre légitimité à les exploiter? Une question qui en soulève bien d'autres, qui nous prépare surtout à aborder celle de leurs droits.
"Comme le souligne l'éthologue Boris Cyrulnik, les juristes s'enrichissent des découvertes scientifiques, les philosophes en débattent, l'ensemble intègre la culture et fait évoluer la société en faveur de la condition animale. Parler des animaux, c'est constituer la manière d'"être" animal. En changeant de discours, on change la représentation sociale des animaux". Conséquence: des pratiques admises jusque-là par habitude au nom d'une tradition identitaire, d'un mal nécessaire, d'une économie, d'un électorat, autrement dit une "soumission aux idéologies" en arrivent à être perçues comme injustifiables. Dans la lignée des réformateurs sociaux des 18e et 19e siècles qui appelaient à en finir avec la cupidité au profit de l'empathie, de nombreux chercheurs et penseurs adhèrent effectivement aujourd'hui à cette idée qu'inclure les animaux dans notre sphère morale et leur accorder des droits fait partie de ces nouvelles valeurs susceptibles de faire progresser la société. Une révolution qui témoigne d'une vraie mutation.
Bien sûr, des philosophes de l'antiquité aux premiers mouvements de défense animale, chaque époque a vu ses opposants à la cruauté des hommes envers les animaux tenter d'agir, mais principalement parce que cette attitude était jugée avilissante. C'est après la révolution française que les choses vont vraiment s'accélerer. L'idéal de l'époque consiste alors à vouloir libérer toutes les catégories opprimées, esclaves, femmes, enfants, prisonniers, malades mentaux. La sensibilité s'inscrit tant chez les penseurs que les artistes, la morale veut qu'on se soucie de l'autre. En 1789, le juriste et philosophe anglais Jérémy Bentham jette le trouble dans les milieux intellectuels et scientifiques en rédigeant un texte soulignant les droits et les devoirs de l'homme envers les bêtes. Le premier mouvement de défense des animaux voit le jour à Londres en 1824. La cruauté est alors partout, au cours des distractions traditionnelles rurales et urbaines, des superstitions religieuses, de la paysannerie et des corporations de charretiers et d'équarrisseurs; elle se poursuivra au XXe siècle avec l'élevage et l'abattage industriels. Aujourd'hui, des cours de droit animalier et d'éthique animale sont dispensés dans la majorité des universités sur le territoire anglo-saxon, la recherche ne cesse désormais de révéler les compétences des animaux, une prise de conscience a eu lieu. Faire souffrir un animal est devenu dans de nombreux pays un mal social.
En France, l'animal est encore considéré comme un bien meuble dans le code civil alors que certains de nos voisins européens ont déjà passé le cap. En Allemagne par exemple, l'animal n'est plus une chose depuis longtemps et la protection animale a été inscrite dans la Constition. La Suède quant à elle reconnait la dignité intrinsèque de l'animal. L'Union Européenne et le Conseil de l'Europe pour qui la protection de l'animal est une valeur affichée ont eu un rôle important dans l'élaboration de textes protégeant les animaux, les sanctions punissant la maltraitance ont été renforcées.

Pour autant l'application de ces mesures laissent à désirer car nos devoirs à l'égard des animaux demeurent aujourd'hui encore modulables puisque les modalités de protection varient d'un pays à l'autre en fonction de sa culture, de son soucis pour la gastronomie, de la puissance de ses lobbies. En clair, la législation actuelle se soucie des animaux à condition que leur protection ne dérange personne. Bien qu'ils soient devenus au regard de la science et de la loi des êtres sensibles, les animaux restent la majeure partie du temps soumis à une évaluation marchande et sont encore considérés comme des biens, des produits, des outils, des marchandises. Leur sort reste à la merci des normes admissibles, des souffrances utiles et des dérogations. D'où la nécessité de revisiter la question du droit des animaux afin que ces derniers soient mieux protégés. Encore faut-il ne pas tout confondre. Aménager des règlements qui relèvent du registe du droit animal n'est pas accorder aux animaux des droits fondamentaux jusque là réservés aux hommes. Dans le premier cas, il s'agit de lois et de réglementation qui relèvent du droit positif ; dans le second, de droits moraux qui, selon la philosophe Elisabeth de Fontenay, doivent compléter l'insuffisance des premiers et inspirer les juristes pour définir de nouveaux droits aux animaux, domestiques et sauvages. Lesquels ? dans quelles limites ? pour quelles espèces ? qui se chargera de les respecter ? Quel statut leur accorder ? Des personnes non humaines ou bien des biens protégés ? Des sujets de droit ou bien des patients moraux non responsables de leurs actes mais possedant des droits dont celui de ne pas être torturés ? Le débat est désormais ouvert.


Infos pratiques :
Sujet : Le Droit de l'animal
Date : 7 fevrier 2014 de 9h30 à 17h30.
Lieu : Palais du Luxembourg, Paris.

Le colloque sera ouvert au public sur invitation et inscription obligatoire à partir du 6 janvier 2014 sur animal.ecolo.ethik@gmail.com alors que les tables rondes et auditions seront consacrées aux experts. Leur compte rendu sera disponible sous forme de rapport dès le 7 fevrier sur commande.
Pour plus d'informations: animal.ecolo.ethik@gmail.com ou www.ecolo-ethik.org.


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