lundi 28 janvier 2013

Comment penser le rapport homme-animal ?


vendredi 1er février 2013
Lille

Journée d’étude organisée par le groupe de recherche L’humain aux frontières

Deux philosophes proposeront leur réponse à cette question épistémologique et éthique. Georges Chapouthier présentera ses conceptions d’une « évolution en mosaïque » et d’une « éthique à géométrie variable ». Florence Burgat défendra une phénoménologie de la vie animale et plaidera pour que l’on considère les animaux comme des sujets de droit. Quatre répondants alimenteront le débat, auquel le public sera associé. 


Présentation

La place de l’animal par rapport à l’homme a beaucoup changé depuis quelques décennies. Le dualisme entre l’esprit et le corps, défendu par Malebranche et quelques cartésiens, a depuis longtemps cessé de convaincre. Succédant aux critiques philosophiques (Spinoza, La Mettrie...), la biologie, la neurobiologie, la paléoanthropologie et l’éthologie ont démontré la proximité entre l’animal et l’homme, y compris dans ce qu’il pensait être son propre : la pensée, la technique, la culture ou la morale. Pour certains, la primauté de l’homme, symbolisée par l’arbre de l’évolution plaçant notre espèce à son sommet, doit faire place à celui du buisson où l’homme est un rameau quelconque. Face à cet égalitarisme des espèces, d’autres auteurs jugent d’autant plus important de maintenir une séparation entre l’homme et l’animal : recours à une création divine directe de chaque âme humaine, survenue de l’humain comme arrachement moral à la nature animale... Sans statuer sur la pertinence ou l’impertinence des positions en présence, reconnaissons que la frontière homme-animal, jadis nette, est aujourd’hui brouillée.

Désormais, comment aborder l’animal ? Comment le penser ? Faut-il insister sur l’identité homme-animal, au point de supprimer toute différence ? Au contraire, doit-on maintenir un propre de l’homme – biologique, langagier, moral ? – ce qui rend malaisée l’inscription dans un cadre évolutionniste ? Une voie serait de partir de la part animale en nous pour comprendre les animaux. Mais comment distinguer en nous une partie animale et une partie humaine ? Une autre piste, empruntée par la philosophie de l’environnement, consiste à se focaliser sur la relation que nous entretenons avec les animaux ; au risque de ne considérer ceux-ci qu’à l’aune des préoccupations humaines. Mais y a-t-il moyen de sortir de cet « anthropomorphisme » ?
Un des enjeux majeurs de ces questions est éthique : nos conceptions de l’animal induisent des actions. Le problème n’est peut-être pas tant d’éviter que l’homme ne soit la mesure de toutes choses, comme le proclamait Protagoras, que de déterminer quelles représentations engendrent et reflètent à la fois les meilleures pratiques. Que faire – et ne pas faire – aux animaux, et au nom de quoi ? Etant entendu que cette éthique de l’animal (au sens objectif) éclaire l’humain : quel est cet homme qui s’autorise telle conduite sur l’animal ? Les questions éthiques rejaillissent immédiatement : si on se permet d’user de violence à l’encontre des animaux, qu’est-ce qui empêche de faire du mal à l’homme ? A moins que ce ne soit le contraire : la préoccupation pour l’animal ne serait-elle pas une excuse commode pour se dispenser d’éthique envers l’homme ?
Lors de la journée du 1er février 2013, deux philosophes présenteront leurs réponses à ces questions : Georges Chapouthier et Florence Burgat. Divergeant par leur approche et par certaines de leurs conclusions, les deux auteurs ont en commun de déclarer possible la compréhension du vécu animal par l’humain : par le détour de la neurologie pour le premier, via l’éthologie pour la seconde.
En biologiste, Georges Chapouthier prend acte de ce que le cerveau humain s’enracine dans la ligne des préhominiens et dans le cousinage des mammifères – et de façon plus lointaine des autres vertébrés – selon ce qu’il qualifie d’« évolution en mosaïque ». Dans cette perspective, les animaux non humains sont une ébauche de l’homme. Ce qui permet une articulation entre animaux et humains, faite à la fois d’identité et de différence. Et qui se traduit par ce que Georges Chapouthier nomme une « éthique à géométrie variable ».
Florence Burgat suit une autre direction. Elle refuse de considérer les animaux comme l’anticipation de l’homme, car ce serait à ses yeux de l’anthropomorphisme, puisque l’humain serait alors le point de référence. Florence Burgat veut penser l’animal pour lui-même, dans sa spécificité. Mobilisant les ressources de l’éthologie phénoménologique, elle cherche à décrire les dimensions constituantes de la vie animale : inquiétude, existence... Ce qui a des répercussions éthiques fondamentales : si l’animal est sujet de sa vie au même titre que l’homme, il a droit au respect moral dû à toute personne.

Programme

9h00 Introduction
9h30 L’homme et l’animal : un bilan. Par Georges Chapouthier, Directeur de recherche émérite au CNRS, auteur entre autres de L’homme, ce singe en mosaïque (2001), Kant et le chimpanzé. Essai sur l’être humain, la morale et l’art (2009) et coauteur de L’Homme, l’Animal et la Machine (2011).
10h30 Pause
10h45 Répondants : Jean-Luc Blaquart et Jean-Baptiste Lecuit (du groupe « l’humain aux frontières »)
11 h15 Réponse du conférencier et débat avec la salle
12h15 Déjeuner
14h00 Par-delà le dualisme et le continuisme, pour une phénoménologie de l’existence animale vécue en première personne. Par Florence Burgat, Directeur de recherche à l’INRA, auteur notamment d’Une autre existence. La condition animale (2012) et de Liberté et inquiétude de la vie animale (2006). Elle a aussi dirigé Penser le comportement animal (2010).
15h00 Répondants : Jean-Marie Breuvart et Stanislas Deprez (du groupe « l’humain aux frontières »)
15h30 Réponse de la conférencière et débat avec la salle
16h30 Fin de la journée

Renseignements et inscription
Tél. 03 20 13 41 57 
theo@icl-lille.fr 
stanislas_deprez@skynet.be

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