mardi 10 avril 2012

L’expérience de domestication du renard bat de l’aile

Article paru sur le site Internet de Maxisciences* :

Le généticien russe Dimitri K. Belyaev a consacré 50 ans de sa vie à son projet de domestication du renard. Toutefois, l’expérience n’a pas encore abouti et elle pourrait s’achever par manque de moyens.

Si la domestication des chiens a pris des milliers d'années, un généticien russe, Dimitri K. Belyaev, a envisagé de domestiquer des renards en l’espace d’une vie humaine seulement.

Ainsi, dans une ferme de Sibérie, 3.000 renards sont hébergés. L’expérience a débuté en 1957, avec pour sujet principal un renard d’élevage, le Vulpes vulpes, un lointain cousin du chien.
Si, il y a tout juste un an, un article du National Geographic parlait de cette expérience comme quasiment aboutie, en réalité nous ne savons toujours pas si le but original fixé par le fondateur du projet a été atteint : faire obéir les renards aux ordres des humains comme le font les chiens.

Les renards répondent aux ordres classiques

Belyaev a disparu en 1985 et a laissé les rênes du projet à Ludmila Trut, aujourd'hui âgée de 70 ans. La bio-généticienne a poursuivi l’étude en scannant les génomes de "renards argentés domestiqués" en espérant trouver les "gènes-clés de la domestication", indiquait l’article. Mais l’expérience n’est toujours pas achevée, aucune preuve ne permettant de définir si, oui ou non, les renards peuvent être éduqués et dépasser leurs instincts

D’autant que pour Belyaev, l'expérience n'aurait jamais été achevée "tant que l'obéissance, la bienveillance et la capacité de transmettre ces qualités à la génération suivante n'avaient pas été démontrées sur toute une population de renards", rapporte Slate. Avec un manque de financement flagrant, Ludmilla Trut devra pourtant se résigner à abandonner ce projet qui a pris soin de 51 générations de renards.

Pourtant, l’expérience, bien que non aboutie, approchait du but. Aujourd'hui, la ferme expérimentale abrite une population stable de renards génétiquement apprivoisés. Ceux-ci répondent presque aussi bien que les chiens aux signaux de la main, ce qui signifie qu'ils sont habitués à une interaction avec les humains. Toutefois aucune étude ne permet de tester la capacité d’un renard à répondre à des signaux d'obéissance classique tels que "au pied", "assis", "couché", "pas bouger", etc.



Les renards doivent être vendus à des fermes à fourrure

Finalement, si les renardeaux sont élevés comme des chiots et qu'ils réussissent des tests d’apprentissage, les scientifiques devront encore trouver tous les gènes liés à la domestication, présents dans leur génome. Pourtant avec le manque de subventions académiques, les renards de la ferme doivent aujourd’hui être vendus via SibFox Inc., une entreprise privée basée à Las Vegas.

Cette société américaine promet un renard apprivoisé de 4 mois pour environ 5.300 euros. L’animal est "livré chez vous en 90 jours" ! Étant donné que la période pendant laquelle les renards forment leurs liens primaires (la fenêtre de socialisation) se ferme environ 60 jours après leur naissance, pas étonnant que le distributeur conseille de mettre les renards dans des cages renforcées pour leur éviter de creuser et de s'enfuir. Car c'est ce que les animaux essaieront de faire…

Concrètement les acheteurs de renards domestiques ne se bousculent pas au portillon, et chaque année, Ludmilla Trut et son équipe doivent soit en vendre des centaines aux fermes à fourrure, soit en piquer tout autant, car ils ne peuvent même plus payer les frais d'entretien basiques. La bio-généticienne essaye pourtant de préserver l'intégrité de la lignée génétique, au cas où des subventions réapparaitraient et où un programme de socialisation et de dressage rigoureux voyait le jour.

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Pour aller plus loin, voir cet article en anglais en ligne

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