mercredi 27 janvier 2010



Le contact avec des animaux de compagnie semble avoir des impacts positifs sur la santé et le bien être (Friedmann, Thomas, & Eddy, 2000; Katcher, 1982) tout en influençant le réseau social notamment celui des enfants. Il a été montré que la présence d'un chien dans une classe améliorait l'attention des enfants et la cohésion sociale entre eux (Kotrschal & Ortbauer, 2003). Ainsi, on peut tout à fait imaginer l'animal de compagnie au sein de la classe comme un support pédagogique. L'étude présente (Wedl & Kotrschal, 2009) s'appuie sur ces constats pour poser la question suivante: "pourquoi l'intérêt pour les animaux varie quantitativement et qualitativement selon les individus?"
Le but annoncé est clair, à savoir de montrer si (et si oui, comment) l'intérêt pour les animaux peut être lié à l'âge, au genre, au contexte familial, au jeu et à des traits de personnalité pour des enfants d'âge préscolaire. Ces variables sont choisies en fonction de leur intérêt par rapport à la littérature.

Wedl & Kotrschal posent 2 hypothèses:
- soit la présence de l'animal peut être compensatoire pour des individus en déficits sociaux ("social compensation hypothesis")
- soit les enfants socialement compétents vont être particulièrement intéressés par les animaux ("social competence hypothesis")

La méthode est mise en place dans une école maternelle en Autriche où 50 enfants (28 filles - 22 garçons) âgés de 3 à 7 ans ont un accès libre tous les jours à des lapins (1 mâle, 2 femelles, 3 petits) pendant un créneau fixe. Des caméras sont installées en permanence dans l'espace accueillant les lapins, ces données sont doublées d'un recueil de données en observation directe et par le biais de questionnaires aux professeurs.

Les comportements d'interactions entre l'enfant et l'animal sont enregistrés en continu (9 jours de données) et regroupés en 2 catégories:
- occupations directes avec les lapins (ex: observer, toucher ou parler aux lapins, leur ouvrir la cage...)
- occupations indirectes avec les lapins (ex: chercher à manger aux lapins, parler des lapins, imiter des lapins...)
De plus, la proximité aux lapins est aussi enregistrée.

Les variables informatives (e.g. composition de la famille) sont recueillies auprès des 2 professeurs. Ces derniers remplissent aussi des tests de personnalité pour chaque enfant. Enfin, les comportements de jeu sont pris en observation directe pendant 17 jours selon le codage de l'étude de Grammer (étude allemande rapportée par (Wedl & Kotrschal, 2009). Quatre catégories existent: jeu en groupe, jeu en parallèle à d'autres enfants, jeu solitaire ou observation des activités d'autres enfants.

Un bémol est signalé par les auteurs: tous les enfants ne sont pas tous les jours présents à l'école, ce qui nécessite une récolte des données en pourcentage.

Les résultats permettent de mettre en avant différentes influences des facteurs cités ci-dessus:
1. Effet du genre: les filles s'occupent plus des lapins que les garçons (comportements dits directs ou indirects) et passent plus de temps à proximité des animaux.
2. Effet de la fratrie: les enfants qui ont des frères et soeurs passent plus de temps à s'occuper des lapins que les enfants uniques.
3. Effet d'avoir un animal à la maison: les enfants qui vivent sans animaux s'occupent plus des lapins et passent plus de temps avec eux; ces comportements sont accentués quand on se focalise sur les filles.
4. Effet de l'âge: les plus âgés s'occupent moins des lapins mais par contre, ils passent plus de temps à proximité des animaux.
5. Effet de la personnalité des enfants: les tests utilisent une répartition en 4 profils. Ainsi:
- Profil confiant: ces enfants passent globalement plus de temps à s'occuper des lapins de façon directe et indirecte mais par contre, ils passent moins de temps à proximité.
- Profil patient: ces enfants sont ceux qui s'occupent les moins des lapins (directement et indirectement) et qui passent moins de temps avec eux.
- Profil joyeux: ces enfants passent moins de temps en occupation directe mais plus en indirecte. De plus, ils passent du temps à proximité des lapins.
- Profil solitaire: ces enfants passent moins de temps à s'occuper des lapins (directement ou indirectement) mais passent plus de temps à proximité des animaux.

Pour conclure cette étude, Wedl & Kotrschal reviennent sur le fait que les filles sont plus engagées avec les animaux que les garçons, résultats cohérant avec d'autres études (Paul & Serpell, 1992; Rost & Hartmann, 1994). En considérant l'ensemble des résultats, les auteurs donnent des arguments en faveur de la "social competence hypothesis" où l'enfant solitaire va privilégier une position en retrait, à proximité de l'animal alors que l'enfant confiant va être en interaction directe avec l'animal.

De cette étude ressort des éléments non négligeables dans la recherche des interactions enfants-animaux. Cependant, il est regrettable de voir regrouper des comportements si différents sous une même appellation. En effet, parler, observer ou caresser n'ont pas la même valeur sociale et n'impliquent pas les mêmes réseaux sensoriels. En se plaçant juste d'un point de vue du genre, il faut savoir que les filles sont reconnues comme plus expressives verbalement (Ruble & Martin, 1998) et comme ayant des patterns de toucher très différents des garçons (Major, 1981). Par contre, à ma connaissance, il n'y a pas de patterns de genre sur les comportements d'observations. Des comportements étudiés de façon plus détaillée auraient permis une analyse plus fine.

Bibliographie
Friedmann, E., Thomas, S., & Eddy, T. (2000). Companion animals and human health: physical and cardiovascular. In A. Podberscek, E. Paul & J. Serpell (Eds.), Companion Animals and Us: Exploring the Relationships between People and Pets (pp. 125-142). Cambridge: Cambridge University Press.
Katcher, A. H. (1982). Are companion animals good for your health. Aging, 331-332, 2-8.
Kotrschal, K., & Ortbauer, B. (2003). Behavioral effects of the presence of a dog in a classroom. Anthrozoos, 16, 147-159.
Major, B. (1981). Gender patterns in touching behavior. In Gender and nonverbal behavior (pp. 183-208). New York: Springer Series in social psychology.
Paul, E. S., & Serpell, J. (1992). Why children keep pets: the influence of child and family characteristics. Anthrozoos, 5, 231-244.
Rost, D. H., & Hartmann, A. (1994). Children and their pets. Anthrozoos, 7, 242-254.
Ruble, D. N., & Martin, C. (1998). Gender development. In N. Eisenberg (Ed.), Handbook of Child Psychology (Vol. Vol. 3). New York: John Wiley &Sons, Inc.
Wedl, M., & Kotrschal, K. (2009). Social and Individual Components of Animal Contact in Preschool Children. Anthrozoos, 22(4), 383-396.

Aucun commentaire: